Retour au travail post-covid : inspirez-vous des cas individuels passés pour construire les solutions collectives futures

December 7, 2021

Après 18 mois de crise sanitaire, la moitié des télétravailleurs déclaraient en mai 2021 ne pas vouloir «revenir au bureau d’avant ».

Six mois plus tard, les entreprises tâtonnent encore pour identifier le dispositif qui conviendra le mieux aux collectifs de travail et aux enjeux réglementaires.

Les tensions et difficultés demeurent chez certains salariés. Elles exacerbent des fragilités préexistantes et peuvent susciter des conflits entre collègues, un désarroi des managers face à des situations à gérer encore nouvelles, dans une période d’accélération économique.

La tentation est grande de revenir aux dispositifs RH d’avant la crise et au travail sur site, qui peuvent paraître rassurants et sécurisants, à première vue. D’autres appellent à de nouvelles évolutions législatives plus protectrices.

Pourtant, la grande majorité des entreprises a déjà eu à expérimenter des solutions opérationnelles différentes et innovantes. Nul besoin de faire du nouveau à tout prix.

Capitalisons simplement sur ces « moments singuliers de vie » que l’entreprise sait déjà traiter :  jeunes mamans, personnes en situation de handicap ou revenant d’une longue maladie, retours d’expatriation, de congés pour projet extérieur ou de mobilité.

L’identification  des succès et échecs passés constitue une première étape essentielle.

Commençons par nous appuyer sur quelques exemples de salariés accompagnés par les cabinets Previa, Latitude RH ou Guildeur. Laissez-nous vous présenter Laurence, Thibault et Philippe.

Laurence travaille depuis 15 ans dans une grande entreprise du luxe et des cosmétiques comme responsable achats.

Elle a traversé un cancer avec greffe de moelle qui l’a tenue à l’isolement complet pendant plusieurs mois.

Cette crise personnelle a été une véritable prise de conscience pour elle : « je ne voyais pas que je passais 80% de mon temps à travailler ; par ailleurs, je ne veux plus être impliquée dans la chaîne de production de produits superficiels ».

Laurence revient dans son entreprise, transformée.

Elle considère même ce cancer comme une « chance » de pouvoir ouvrir les yeux car elle est « devenue plus forte » après s’en « être sortie ».

Thibault, quant à lui, est de retour en France avec sa famille après 5 ans d’expatriation à Singapour. Ce type d’expérience génère quasi systématiquement une rupture dans la carrière comme dans la vie personnelle et familiale d’un salarié : 5 ans, c’est une durée plus que suffisante pour embrasser une autre culture, ses valeurs et certains de ses modes de pensée. Pendant son séjour Il a expérimenté de nouvelles pratiques de travail, noué des relations différentes : tout son écosystème a été modifié.

Son retour d’expatriation est comparable à celui de collaborateurs qui ont déménagé pendant ou à la suite des confinements et ne peuvent ou ne veulent plus aujourd’hui revenir au bureau.  

Comme pour Thibault, la question se pose de savoir si l’entreprise saura faire les bons choix et leur proposer les dispositifs adéquats. Sera-t-elle en capacité de valoriser les expériences personnelles par une période d’expérimentation mutuelle ou par un accompagnement structuré et personnalisé.

Ce lundi, Thibault se retrouve dans son ancien département, revoit certains de ses collègues. Mais il s’aperçoit rapidement que les missions qui lui sont proposées l’ennuient, ne lui permettent pas de valoriser les acquis de son expérience singapourienne.

Thibault revient d'expatriation, il a l’impression de repartir 5 ans en arrière.

Malheureusement pour Thibault, l’accompagnement proposé par son entreprise n’a pas tenu compte de sa situation particulière : il prend rapidement la décision de quitter son entreprise pour un autre employeur qui saura mieux valoriser son expérience.

La situation de Thibault fait clairement écho à ce que déclarent de nombreux collaborateurs qui ont vécu la crise sanitaire autant comme une épreuve personnelle que professionnelle. Dans son baromètre, Opinion Way indique que, parmi les 35 % de salariés qui ont compris via la crise que leur travail n’a pas de sens pour eux, 49 % restent dans leur entreprise, “faute de trouver mieux”… avec le sentiment d'être invisibles.

C’est notamment le cas pour les encadrants de proximité ; ceux-là même qui sont sensés créer l'émulation, donner du sens, insuffler de l'énergie et qui ont souvent tenu à bout de bras leur service dans l‘improvisation des confinements de 2020.

Si la norme de l’entreprise est différente, n’y-a-t-il que deux issues : le retour à la “description de poste” ou le départ ? Le retour au travail en présentiel peut être accueilli avec enthousiasme, mais peut aussi engendrer de l'inquiétude. Plus que jamais, il est essentiel de trouver le bon niveau de traitement des problématiques :

  1. Dans toute l’entreprise (accord collectif), pour optimiser le Climat de travail
  2. Au sein des équipes (animation managériale) pour favoriser le Potentiel d’Agilité
  3. En négociation individuelle pour fidéliser certains collaborateurs clés et attirer les talents.

Du together but alone au alone but together

Avant toute chose, il est nécessaire de bien définir la problématique réelle de l’entreprise plutôt que de déployer des solutions toutes faites, qui semblent évidentes mais qui sont potentiellement inappropriées.

Que ce soit pour amortir les pertes financières de la crise Covid-19 ou pour anticiper un moindre besoin de locaux lié au télétravail, les directions financières et de l’immobilier ont réduit les surfaces en accélérant la mise en place du flexoffice.

Dans son article du 25 novembre 2019, Courrier Cadre affirmait que les cadres passent jusqu’à 25% de leur temps dans des réunions qu’ils jugent majoritairement improductives. A cela s’ajoute le meeting recovery syndrom, ce temps passé par les salariés à se plaindre de la réunion à laquelle ils viennent d’assister : « la réunion ne m’intéressait pas, j’en ai profité pour classer mes mails » ; « j’ai présenté mon Powerpoint à l’équipe qui préférait chatter ou twitter » ; « nous avions l’illusion d’être ensemble alors qu’en fait nous étions seuls »...

Together but Alone.

Dans l’urgence du premier confinement la mise en place des visioconférences a obligé les salariés à changer radicalement leurs pratiques de communication, de management, de gestion du temps et de l’espace de travail.

Le travail distanciel même boosté la productivité. Aurait-il permis aux salariés de se rapprocher alors qu’ils n’étaient plus ensemble ? d’être plus efficaces ? plus disponibles intellectuellement ? moins fatigués ?

Alone but Together !

Dans les cabinets de conseil tels que Previa, Latitude RH ou Guildeur, les témoignages de salariés affluent : « pourquoi mon employeur veut-il absolument que je retourne au bureau, alors que je suis en capacité d’exercer efficacement mes missions à distance ? ». Certes, le bureau reste un lieu de rassemblement, qui rappelle physiquement l'existence de l'entreprise, qui permet plus d'interactions informelles ainsi que la formation aux nouvelles pratiques du travail.

Le retour au bureau s’inscrit donc dans un changement de paradigme nécessaire pour de nombreux salariés : ils ne retrouvent plus leurs marques, finissent leur première semaine épuisés par le bruit et le flux ambiant qui les poussent à rechercher le télétravail clandestin, juste pour pouvoir se concentrer et finir leur tâche.

Pourtant, nous partageons le constat que la relation de chacun avec le lieu physique du travail, les relations avec les collègues, le manager, l’écosystème professionnel tout entier, l’équilibre vie professionnel / vie personnelle doivent être revisités et redéfinis à la lumière de ce qui a évolué dans le bon sens depuis maintenant 18 mois.

Comment identifier et traiter les véritables sujets autour des collectifs plutôt que de déployer des solutions de façon arbitraire ?

Comment pratiquer l’intelligence collective quand chacun a des objectifs et des modèles différents ?

Pratiquer l’idéation pour explorer les pistes possibles

Inhibition créative, attente active

Prise de recul (« je m’attache beaucoup moins aux détails, j’avance plus vite »), ouverture à d’autres univers où elle aurait tout autant de valeur ajoutée mais qui auraient du sens pour elle et respecteraient son besoin d’équilibre,…C’est ainsi que Laurence a identifié beaucoup de nouveaux “as” dans ses cartes et qu’elle les a partagés avec la responsable ressources humaines et son manager, grâce à leur écoute sans-jugement.

Dans nos cultures orientées solution, les premières pistes sont trop vite adoptées. Au contraire, dans le cas de Laurence, la responsable RH et son manager ont ouvert leur réseau de contacts et ont soutenu Laurence pour qu’elle soit reçue dans plusieurs services du Groupe. Ils ont donc eu recours à l’inhibition créative : Puis, ils ont pratiqué l’attente active pour que cette ouverture de contacts provoque pour Laurence des attractions, dessine des opportunités au hasard des sujets, des rencontres et des rebonds.

Non seulement, Laurence a pu explorer des nouvelles pistes correspondant plus à ses attentes. Mais les dirigeants de l’entreprise ont été encouragés par cet exemple. Ils ont décidé d’accepter des sollicitations identiques de la part d’autres collaborateurs.

Principe de détour au cœur de la stratégie de recherche de solutions

Dans le cas du retour sur site pour tous les collaborateurs suite à la pandémie, les services n’ont pas pu traiter tous les cas particuliers.

Il y a donc un intérêt à identifier la ligne de démarcation entre le sous-jacent à travailler pour une population de salariés et les cas individuels à traiter avec le manager ou le service RH.

C’est le principe de détour : à défaut de règle unique, y-a-t-il un indicateur permettant de traiter 80% des cas qui présentent une caractéristique commune ?

Ce principe de détour permet ainsi de passer d’une ingénierie RH collective à un retour sur site discuté au niveau du service.

Des entretiens de retour individuels ou collectifs, un travail sur la raison d’être, un retour d’expérience sur ce qu’il faut conserver ou modifier à l’issue de cette période difficile.

Autant de pistes visant à identifier des points de convergence qui constitueront un socle sur lequel capitaliser, mais aussi les divergences, sur lesquelles un travail de consolidation ne saurait être évité.

De la recherche d’idées à la construction d’une solution personnalisée

Christophe Gauthier

Co-fondateur Guildeur